La renaissance d'une félyse

Par une longue soirée d'été, Demosthenia se baladait le coeur lourd sur l'île d'Avalon. La petite félyse s'était mise à l'écart des autres habitants et souhaitais prendre son temps afin de réflechir à ce qu'était sa vie.

Elle passa brièvement sur son enfance et se dit qu'être une voleuse n'était pas un métier pour elle. C'était un métier mal vu mais elle avait dû se défendre comme elle avait pû et s'était retrouvée dans une situation telle que le vol était son dernier recours.

Elle marchait lentement et le jour se faisait de plus en plus rare. Le crépuscule tombait sur la douce île d'Avalon.

A force d'avancer, elle arriva au sommet du volcan de l'île et décida de s'asseoir sur le rocher qui surplombait la falaise.
Elle regardait lascivement les vagues qui venaient se fracasser, laissant derrière elles seulement leur écume mousseuse.

Elle soupira ... une fois ... puis deux fois ...
Comme elle aurait aimé être quelqu'un d'autre ... elle se sentait mal ... très mal au fond d'elle ... elle se dit même qu'il fallait en finir ...

Elle laissa sa jambe aller de gauche à droite dans le vide ... puis de droite à gauche ... et ainsi de suite.
Elle réalisa que finalement il était temps d'en finir ... et se dit que la chute serait rapide et incontrôlable ...
Aussi décida t-elle de sauter ....

La chute était en effet vertigineuse et très rapide. Demos' regretta aussitôt son choix et voulait revenir sur sa décision.
Elle fut prise d'une angoissante terreur, elle était là en pleine chute et voulu crier, hurler de tout son être qu'elle ne voulait pas mourrir ainsi.
Mais aucun son ne réussit à sortir de sa bouche, seulement un hoquet de terreur et d'angoisse.

Aussi décida t-elle de fermer les yeux et de se laisser aller vers la mort ... elle attendit le moment ultime où elle s'ecraserai sur la plage ...

Mais le temps semblait suspendu ... les yeux toujours clos elle réalisa qu'elle ne tombait plus.

Elle ouvrit un oeil ... puis l'autre ... et vit qu'elle n'était plus sur l'île d'Avalon mais dans un lieu inconnu ...
Autour d'elle tout était vide, neutre ... elle était seule dans cet espèce d'endroi hors du temps ...

Demos' regarda lentement autour d'elle. La pièce était vraiment vide, seulement baignée d'une lumière très douce et très faible. Elle se demanda où elle pouvait bien être.

"Bienvenue Demosthenia."

La petite félyse se leva d'un bond, très rapidement, elle fut saisie par la voix qui sortait de nulle part.

"Tu es dans les limbes Demosthenia. Lieu entre l'enfer et le paradis où errent les âmes qui n'ont pas finir d'accomplir un acte majeur dans leur vie. Tu ne devais pas mourrir ainsi !!!"

La jeune fille chercha du regard autour d'elle mais en vain, il n'y avait personne.

"Je vais te donner un choix Demosthenia !!! Sois tu reste ici à errer jusqu'à la fin des temps ; soit tu redescends sur terre.
Mais attention ! la deuxième option n'est pas sans conséquences !!!"

Demos' resta bouche bée, ne sachant que dire ... Elle était hébétée, perdue seule au milieu des limbes !!!
C'était incroyable !!!
Lorsque soudain la voix repris,


"Tu dois faire ton choix MAINTENANT jeune imprudente !!!"

Tout se mit rapidement à défiler dans sa tête. Elle revit tout d'abord les visages des siens ... son amie Ossiria avec qui elle avait tant rigolé ... la douce Edeyne .... Slévas le centaure aventurier ... le bon vieux Cyan, nain tavernier ... Astro grand magicien ... mais aussi Crow-Lander qu'elle avait laissé sans nouvelles d'elle ...

Les larmes commencaient à monter et elle réalisa soudain la bétise qu'elle venait de faire.
Elle ne pouvait pas les laisser ainsi ... elle avait encore tant de bons moments à partager avec eux ...

"Alors que décides-tu jeune fille ?!?!?!"

La félyse ne réflechis pas plus longtemps, elle dit d'une voix chevrotante

"Je veux revenir en arrière !!!! J'ai eu tort ... je veux rejoindre mes amis !!!!!"

"D'accord !!! Mais je t'avais prévenue que la deuxième option n'était pas sans conséquences !!! Ah ha ah ha ah ha ah !!!!"

Aussitôt qu'elle eu donné sa réponse, le sol se déroba sous ses pieds et elle tomba comme une masse dans le vide ...

Ossiria regardait les vagues s'éclater sur les rochers. De jolis coquillages aux couleurs vives mais pourtant douces y étaient accrochés. Ils prenaient une bouffée d'air pur avant de replonger. La centaure marquait de ses sabots le sable fin. Elle s'amusait à sauter au-dessus des quelques trainées d'eau que la mer retirée avait oublié d'emporter. Le vent faisait claquer ses vêtements, les étoffes paraissant ainsi animées de soubresauts, trahissant la joie de leur porteuse.
L'horizon s'étendait sur une mer douce et calme que l'on sentait en réalité imprévisible et tourmentée. Les yeux plongés dans le bleu du ciel et de l'onde, Ossiria laissait aller ses pensées, se détendait. Son regard fut soudain attirait par une forme inhabituelle. Une forme qui n'avait que faire sur ce tableau. Intriguée, elle s'avança prudemment, les mains prêtes à dégainer au moindre mouvement suspect. A une trentaine de mètres d'elle, une chose, longue, inerte, prenait place sur le sol. Vingt mètres. Les yeux se plissaient sous la force du vent qui lui faisait front, les muscles se raidissaient. Dix mètres. La gorge sèche, les yeux combattant toujours, et une forme de plus en plus... humaine ?! Cinq mètres. Une femme ! Une elfe même !
Ossiria se précipita sur l'inanimée. Elle plia les genoux et put se pencher ainsi sur la jeune femme. De longs cheveux bleus couvraient un visage fin. Elle était vivante, le sang battait à son cou, la guerrière pouvait le sentir. Elle défit rapidement sa fibule et posa sa cape sur l'inconnue.

"Vous m'entendez ?", hasarda-t-elle.

Elle ne savait pas trop comment réagir, que faire...

*Ne pas céder à la panique déjà. Garde ton calme !*

Elle saisit sa gourde, et versa de l'eau dans la bouche de l'elfe. Puis, elle sortit un de ces fruits que l'on ne trouve que sur Avalon, et qui confèrent à ceux qui en mangent une vigueur sure. Elle en pressa le jus qu'elle fit couler entre les lèvres de la rescapée.

*Surement un naufrage.*

Ossiria eut un regard méprisant et craintif pour cette mer si dure et si douce à la fois. Elle vérifia qu'aucune blessure n'était à panser. L'inconnue était indemne. Elle soupira de soulagement et sourit doucement en posant sa main sur le front de l'elfe.

"Bienvenue sur Avalon", murmura-t-elle.

Demos' était toujours à mi chemin entre l' inconscience et l'éveil.
Elle avait les yeux clos mais entendait tout de même tout se qui se pasait autour d'elle : le bruit incessant des vagues, le vent qui soufflait par petites raffales, et un bruit de pas.

Mais où était-elle donc arrivée ?!?! Un sentiment de panique l'envahit soudainement !!! Elle sentait le sang battre à son cou !!!

Elle senti que quelqu'un était là ... près d'elle ... elle sentit également une douce chaleur puis des petits papillons virent voleter devand ses yeux clos la poussant à les ouvrir.

Puis elle entendi une voix douce ...

"Bienvenue sur Avalon"

"Mais ... cette voix ... je la connais !!!!" pensa t-elle.

Etait-ce possible ?!?! Etait-ce ... Ossiria ?!?! Avalon ?!?!

Elle ouvrit d'un coup ses grands yeux bleus et apercut une forme brouillée. Ses yeux avaient du mal à s'habituer à la clarté.
Au bout de quelques secondes elle apercut qu'il s'agissait effectivement d'Ossiria !!!

"Ooo ..."

Elle voulu prononcer le nom de son amie mais sans succès, ne bredouillant qu'une seule syllabe.

*La voilà qui revient à elle !*

Ossiria sourit en étouffant un soupir de soulagement. La peur s'éloignait. Les battements de son coeur reprirent leur cadence naturelle. L'elfe tenta de prononcer quelque chose, mais la centaure posa un doigt sur ses lèvres.

"Doucement, doucement, gardez vos forces, Damoiselle. Vous en aurez besoin plus tard. Vous devez prendre votre temps et vous retablir", murmura-t-elle sa main toujours posée sur le front de la rescapée.

"Je vais vous transporter en un lieu plus sûr, loin des embrains de la mer."

Un dernier regard vers les vagues qui venaient se mourir sur le sable, un dernier regard sur le ciel bleu balayé par le vent. Ossiria saisit doucement l'inconnue. Elle connaissait la technique pour poser sur son dos, dans une posture correcte, un poids inerte... Que ce soit celui qu'un compagnon blessé, ou celui d'un simple sac. L'elfe se retrouva donc bercée par les pas de la centaure. Précautionneuse, cette dernière tentait de limiter les soubresauts, de faire de son allure un temps de repos et de bien-être pour cet être qui devait avoir vécu de terribles évènements.
En silence, Ossiria parcourut les terres d'Avalon, c'était à présent des plaines florissantes, des arbres moussus, des murmures d'eaux limpides ou encore des bruissements d'animaux sauvages qui les accompagnaient et les acceuillaient en leur sein. L'elfe, esprit de la nature par excellence, allait sans doute pouvoir tirer de cet environnement des forces nouvelles.
La centaure la menait dans une cahutte, abandonnée depuis quelques mois. Celle qui y avait séjourné en était partie à la venue du Nouveau Temps. C'était l'un de ces êtres qui avaient occupé l'ile durant des millénaires. Elle se nommait Etiziel, et possédait la connaissance des plantes et de leurs vertus. Ossiria avait eu l'occasion d'entrer chez elle pour...

*Qu"importe !*

La guerrière leva les yeux au ciel et secoua la tête, comme pour faire sortir d'elle des souvenirs parfois pesants. Les étagères de la petite maison regorgeaient de flacons d'essences, de crèmes, et autres elixirs, elle le savait. Elle pressa le pas, les mains toujours posées sur le corps de la rescapée afin que celle-ci ne balotte pas trop. Elle se mit à chanter. L'un de ces chants qui lui revenaient parfois en mémoire, une langue étrangère... peut-être inventée ? Elle s'en moquait. Ici, il n'y avait que l'île et l'inconnue semi-consciente... Alors qu'aurait-elle pu craindre ?

...Naé lo di ka mayanoï
Késadé mi fa polamkali
Naéto méya ta lémé
Yua kolito é bén kasé...

Demos' avait voulu crier voire même d'hurler "Osiria !!! C'est moi !!!!" mais cette dernière ne semblait l'avoir reconnue ...
Mais pourquoi donc ne la reconaissait-elle pas ?!?!
Et pourquoi la vouvoyait-elle de cette façon ?!?!

"Je vais vous transporter en un lieu plus sûr"

Demos' se laissa faire, se sentant trop faible pour ne tenter quoi que ce soit de plus.
Elle comprit qu'Ossiria l'avait mise sur son dos et qu'elle l'emmenait plus loin, la berçant de son pas ralentit.

Dans sa tête revenait sans cese la dernière phrase prononcée par l'être dans son rêve ainsi que son ricanement malsain.
D'ailleurs était-ce donc un rêve ou etait-ce autre chose ?

"Je t'avais prévenue que la deuxième option n'était pas sans conséquences !!! Ah ha ah ha ah ha ah !!!!"

Mais la jeune fille ne comprenait pas le sens de cette phrase.

Aussi sombra-t-elle illico dans une semi-inconscience.
Elle ne savait depuis combien de temps elle était dans cet état mais elle était bien, elle flottait et rayonnait ...
Elle était bercée par une mélodie inconnue mais envoutante qui lui fit perdre tout sens des réalités ...

Ossiria parvînt enfin dans la prairie d'herbe grasse sur laquelle s'édifiait une petite maison de bois. D'architecture simple, il s'en dégageait pourtant une atmosphère étrange. A la fois calmante et apeurante. Elle passa, d'un pas toujours aérien, entre les jolies petites fleurs sauvages qui saluaient le soleil de leurs étamines.
La porte s'ouvrit avec un léger grincement. Dedans, une large cheminée occupait la majorité de la pièce. Des étagères couraient sur tous les murs, et dessus, des flacons de toutes tailles étaient soigneusement étiquetés. Fleurs diverses, essences, racines... et autres ingrédients pour les recettes d'un peuple légendaire. Une petite table de bois était disposée au centre. Trois chaises l'entouraient. Un lit, au fond à droit, à proximité de l'âtre, semblait attendre un quelconque occupant. La centaure y déposa l'inconnue. Il était temps de se défaire du poids car l'engourdissement de ses muscles se faisait de plus en plus sentir.

"Alors voyons...", murmura-t-elle, "C'était dans ce coin là..."

Elle se dirigea entre deux étagères. Un gros livre l'y attendait. Ossiria en caressa la couverture. Elle était épaisse, d'un bordeau profond, cisellé de fleurons d'argent. Ceux-ci brillaient, créant des étincelles dans les yeux de la guerrière qui s'extasait à l'idée d'approcher de si près un tel objet. Elle l'ouvrit. Les pages étaient finement décorées de couleurs vives décrivant les courbes et les lignes des différentes plantes représentées. Chacune de ces pages comportaiant un texte rédigé en plusieurs langues. Mais la privilégiée restait celle des Avalonois Anciens.
On aurait dit que l'écrivain savait que d'autres que son seul peuple se serviraient de son oeuvre. L'une des langues était celle des peuples de l'Ouest, dont était issue Ossiria. Mais c'en était une version ancienne. Une grimace se dessina sur les lèvres de la centaure.

"Manquait plus que ça... Je n'y avais pas pensé..."

Elle se mit donc à déchiffrer les titres, afin de ne pas perdre de temps sur des recettes inadaptées.

"Quand un corps... ressent le... besoin de... recouvrir ses... fonctions...", lit-elle au bout d'une dizaine de pages, "Ce doit être ça..."

Elle se pencha un peu plus sur cette page .

"Dans les... sources... la vie se retrouve... dans une... atmosphère... d'esprits... sylvains et de... d'essences de... fleurs des... "franches-récifs"... euh..."

Elle regarda les étiquettes qui l'entouraient avec un air dépité. Elles n'étaient pas traduites, elles. Elle décida donc de passer de flacon en flacon avec le livre. Elle reconnut les pictogrames, par comparaison avec ceux inscrits sur les pages. Après avoir déposé les quelques essences dans sa fidèle sacoche, elle se rapprocha de l'elfe dont les paupières semblaient légèrement bouger. Elle la remit sur son dos en silence. Un dernier regard, un dernier souffle, puis la cahutte laissée derrière elles.

"En avant pour les sources !", sourit Ossiria.

Elle reprit donc la marche en direction de ce lieu prisé bien que souvent délaissé de l'île. Là-bas, des sources jaillissant des entrailles de la terre laissaient leurs eaux passer dans de larges bassins peu profonds, creusés par les pluies, le vent et les sources elles-même. Elle étaient connues depuis des siècles et des siècles, mais il fallait grimper pour les atteindre. Ossiria commença l'ascension. Elle laissait aller son esprit, afin d'oublier la fatigue qui se faisait sentir, enfant du jour qui passait et de l'elfe à porter. Elle souriait aux moments passés. Elle se souvenait de Demosthénia qui, face à tant d'eau, avait eu bien du mal à se sentir à l'aise. Nature félyse obligeait.... Démosthénia... Où pouvait-elle bien être passée ? Elle avait disparu cela faisait bien des semaines... La centaure avait un étrange sentiment. Il ne lui paraissait pas que du mal ait frappé son amie, mais pourtant, il y avait un soucis... Elle le savait.... C'était au plus profond d'elle, ses entrailles se tordaient...
Un doux bruit. Les sources. De la vapeur, une atmosphère à chaque pas plus chaude. Elles se rapprochaient à présent. Une dizaine de plans d'eau apparut. Enfin !
Ossiria choisit l'une des sources les moins chaudes afin de ne pas choquer le corps de l'inconnue. Elle l'y déposa délicatement. Un siège s'était naturellement formé. L'île prodigieuse avait vraiment tout fait en ce lieu pour acceuillir les gens dans le plus grand confort. L'elfe ne pouvait donc pas glisser, ne pouvait se noyer, soutenue par un pan de roches lisses. La centaure fouilla dans sa sacoche. Quelques gouttes tombèrent dans l'eau. Tout d'abord vertes, puis jaunes, puis mauves. Un délicieux parfum emplit l'atmosphère. Et Ossiria s'écarta. Elle se posa sur un espace d'herbes à proximité et s'adossa le dos contre l'écorce épaisse d'un arbuste.

"Quelle douceur !!! Mais où suis-je ?!?!" pensa la jeune félyse.

Une délicieuse chaleur règnait autour de Demos' ... elle était bien ... inimaginablement bien ... elle se sentait comme dans un cocon soyeux et doux ...
Elle ne voulut en sortir sous aucun pretexte.
Rêvait-elle ? Elle ne saurait le dire, mais elle était bien ... apaisée ...

Elle n'entendait qu'un léger clapotis, très doux, ce n'était pas le clapotis des vagues de la mer, mais autre chose. Elle flottait ... corps dématérialisé dans les airs ... non pas dans les airs ... dans ...

Demos' fronça les sourcils ...

Non ça n'est pas possible !!! elle flottait dans ... horreur ... dans l'eau !!!!!!!

Son corps tréssailit sous la peur.

Elle était bel et bien dans l'eau !!!!!

Elle ouvrit les yeux et revint à la réalité. Son corps fut pris d'une légère convulsion qui eu pour effet de faire partir le corps de la jeune féline vers l'avant, lui plongeant la tête sous l'eau.

Elle était bel et bien dans l'eau !!!!!
L'eau ... elle ne supporte pas l'eau !!! ... elle en a horreur !!! ... mais ... c'était si doux ...

Aussitôt ses esprits revenus, elle se leva nerveusement et sorti, haletante et effrayée, de cette source d'eau.

"Meeooooooowwwww !!!" miaula-t-elle violemment.

Elle se retrouva sur le bord, trempée et suffoquant tellement elle avait été choquée. Mais elle était vivante ...

Recroquevillée sur elle même, toujours haletante, trempée jusqu'aux os et les cheveux mouillés dans les yeux Demos' revenait lentement à elle.
Ce bain forcé lui avait redonné vigueur.

Elle tremblottait, regardant autour d'elle de façon effrayée.
Ses yeux allaient sans cesse de gauche à droite de façon hagarde.

Elle se sentait différente mais ne savait pas pour quelle raison.

Elle réalisa qu'elle était aux sources d'Avalon !!!
Avalon !!!!
Elle était donc de retour sur l'île !!! Mais l'avait-elle vraiment quittée cette île si chère à son coeur.

Elle balaya du regard tout ce qui se trouvait autour d'elle lorsqu'elle apercut Ossiria qui dormait doucement adossée à un rocher.
Elle n'en cru pas ses yeux et rampa jusqu'à son amie.

"Ossi !!!!!! Réveille toi !!!!"
Pas de réponse de la centauresse qui semblait faire un joli rêve car elle marmonait des paroles incompréhensibles.

Demos' insista un peu plus, tremblant toujours de tous ses membres.

"Ossiiiii !!!!! Mais réveille toi !!!!!! C'est moi !!!!!!!" elle secouait maintenant son amie comme un prunier en espérant la réveiller.

Des habitants riants autour d'une fontaine dont l'eau scintillait à l'éclat du soleil, le doux bruit des rires d'enfants qui couraient partout, bousculant les poules qui, caquetant de colère, se réfugiaient entre les jambes des chevaux que ferrait un forgeron. Une atmosphère de paix, de bonheur. Ossiria se sentait bien... Si bien... Elle allait ainsi, marchant, saluée par des gens qu'elle voyais pour la première fois, mais qui lui paraissaient tellement proches. Ils la connaissaient tous, et s'adressaient à elle avec sympathie, se penchant un peu afin de la regarder dans les yeux. Se pencher ? Elle était si petite soudain... Et ses sabots... Son arrière-train... Disparus. Une femme s'approcha d'elle soudain, et la saisit par les épaules, la fixant. Elle semblait lui criait quelque chose, mais Ossiria ne parvenait pas à saisir la moindre parole.

"Réveille-toi !!!"

Ses pupilles se contractèrent, la femme hurlait à présent. Une voix sacadée, une voix terrifiée. Les yeux emplis de larmes.

"Ossiiiii !!!!! Mais réveille toi !!!!!! C'est moi !!!!!!!"

La centaure ouvrit les yeux, la gorge sèche. Il lui fallut quelques temps avant de réaliser que ce n'était qu'un rêve. L'elfe qu'elle avait receuillie la secouait vivement, hurlant son nom. Ses idées reprirent leur ordre, et Ossiria saisit les poignées de la rescapée.

"Je suis réveillée", murmura-t-elle, "Je vois que vous allez mieux."

Elle sourit doucement, pas peu fière d'avoir pu mettre en oeuvre les techniques du peuple ancien d'Avalon. Ossiria dévisagea le doux visage qui lui faisait face. C'était bien une inconnue... Pourtant, elle la regardait comme si elles s'étaient déjà croisées, et avaient partagées de moments ensemble... Elle connaissait son nom... Troublée, elle finit par oser demander :

"Nous nous connaissons ?"

Enfin elle se réveillait !!! C'était pas trop tôt !!! Demos' commençait à s'enerver et à paniquer quelque peu.

"Nous nous connaissons ?"

Demos' n'en croyais pas ses oreilles !!! Ossiria délirait à plein tube !!! Voilà maintenant qu'elle la vouvoyait et qu'elle lui demandait si elles se connaissait !!!

La jeune fille déboussolée se laissa tomber sur les fesses, en position assise face à la centauresse. Quelquechose n'allait pas ...

"Je t'avais prévenue que la deuxième option n'était pas sans conséquences !!! Ah ha ah ha ah ha ah !!!!"

Mais ?!?! ... pourquoi cette sempiternelle phrase passait-elle dans sa tête ainsi.

Demos' se frotta le visage afin d'enlever les pensées confuses qui regnaient dans sa tête.
En s'asseyant une sensation bizare était venue effleurer son esprit ... ça y est !!! elle venait de trouver !!! sa queue !!!!! elle n'avait plus de queue !!!!!!
Elle se leva d'un bond et regarda de plus près dans son dos.
Malheur !!!!

"Ossiii !!! Regarde !!!!! Ma queue !!!! Mais qu'est-ce qui se passe ?!?!?!?!"

Dépitée la jeune fille fondit en larme, ne cessant de tourner afin de bien voir que sa queue n'était plus là ...

La centaure fronça les sourcils. Les idées encore embrouillées par son rêve, elle voyait à présent une elfe chercher sa queue. Elle tournait, des larmes coulant sur ses joues, paniquée. Elle continuait, elle connaissait son nom, et le répétait. Après un instant, interdite, Ossiria tendit les bras en direction de l'inconnue. Elle la saisit et l'attira à elle.

"Pleurez... Vous devez en avoir besoin..."

Un moment d'hésitation, et sa main se posa sur les longs cheveux bleus. Elle les caressa doucement, en berçant l'elfe. Sa mère le faisait autrefois... Et ceci valait souvent les plus grands des discours.

"Pleurez...", murmura-t-elle.

Une brise se leva, les branches voisines frémirent. La vapeur des sources sembla envelopper les deux êtres, telle une protection contre les méandres du monde. Un moment de répis s'imposait.
Après quelques instants, Ossiria reprit la parole.

"Racontez-moi votre histoire. D'où venez-vous ? Qui êtes-vous ?"

Se laissant bercer dans les bras d'Ossiria, Demos' commençait doucement à se calmer.
Des hoquets de pleurs donnaient encore, de temps à autre, des soubressauts incontrôlés du corps de la jeune fille, mais elle était beaucoup moins paniquée.
La centaure avait réussi, de ses gestes tendres et calmes, à la rassurer.

Ne voulant plus quitter ses bras, Demos' se mit à parler calmement, prenant son temps à son amie.

"Ossi tu ne me reconnais donc pas ?!?! ... C'est moi ... De ... Demosthenia ..."

Les larmes perlaient à nouveau au coin de ses yeux.

"Je ... je sais pas ce qui se passe ..."

S'ensuivi un discours embrouillé, bribes de phrases et de mots qu'Ossiria devait démeller.

"J'étais en haut de la montagne ...
Suis tombée ... chute sans fin ...
Les limbes ... la vie ou la mort ...
Ce rire maléfique ...
Un choix ... toi ... vous ... Avalon ... Crow ...
Ne sais pas ... ne sais plus ...
Chute ...
Rien ...
De l'eau !!!!!
Ma queue ..."

Elle se retira de ses bras et recula contre un rocher, les genoux repliés au menton, le visage dans ses bras, pleurant comme une enfant.

Des paroles désordonnées... Demosthenia ! Le coeur d'Ossiria se serra. Son amie avait disparu, elle n'avait donné aucune nouvelle depuis tant de temps... Et voici que cette elfe, là, prétendait être la joyeuse félyse. La bleue chevelure se retira du cocon formé par la centaure, et la jeune femme épleurée se tassa contre un rocher, perdue. La guerrière eut un sentiment de compassion en voyant cet être si terrifié, elle se leva, et resta un instant à l'observer en silence. Elle avait les mêmes mimiques que Demos' oui... Cette façon de regarder le monde, cette façon de parler, d'agiter les bras... A y bien regarder, c'était Demosthenia. Mais alors, pourquoi cette... transformation ?
Qui que soit cette personne, Ossiria ne pouvait accepter de la voir souffrir ainsi. Si cette elfe était vraiment Demosthenia, son amie, alors elle saurait répondre à maintes questions personnelles. Elles avaient partagé des moments, doux et durs. Mais il n'était pas question de brusquer les choses. Elle fit quelques pas hésitants, puis tendit une main volontaire à l'elfe.

"Comprenez ma surprise... Vous êtes si... différente de la félyse que je connais", elle lui sourit tendrement et continua à murmurer, "Allons venez. Nous allons vous trouver un endroit afin que vous vous reposiez. Vous m'expliquerez plus en détail votre histoire."

Elle piaffa légérement en faisant voleter ses crins dans l'air humide des sources.

"Allons-y !", lança-t-elle d'une voix qui se voulait motivante, "Séchez vos pleurs et venez profiter des bienfaits de l'île."

D'un geste du buste, elle saisit l'elfe et la fit voler jusque sur son dos.

"Racontez-moi à présent, racontez-moi ce qui s'est passé..."

Bien installée sur le dos de la centauresse, Demos' se laissait transporter calmement.
Elle se décida a expliquer à son amie tout ce qui s'était passé depuis sa chute plus ou moins volontaire de la falaise de lîle. Au fur et à mesure qu'elle racontait cette histoire, tout les moindres détails revenaient à son esprit.

Demos' était une piètre cavalière, balotant à gauche et à droite selon le rythme de son amie et glissant parfois maladroitement. Elle ne cherchait pas non plus à suivre son rythme, préférant raconter toute l'histoire faisant attention à n'omettre aucun détail.

Elle parlait et Osiria l'écoutait, hochant parfois la tête mais toujours en silence.

Pendant un moment, Demos' stoppa de parler ... elle entendait autrement ... la foret ... les animaux ... Elle ne les voyait pas mais elle les entendait parfaitement !!! Comment celà était il possible ?!?!
Et sa queue !!! Elle n'avait plus sa queue !!!

"Ossi ... " murmura-t-elle.

"Je comprends plus rien ... je ne suis plus moi ... qui suis-je ???" lui demanda-t-elle d'une toute petite voix.

Ossiria fronça les sourcils. Elle ne pouvait pas répondre. Elle ne savait pas. Elle ne comprenait pas. C'était bien Demosthenia qu'elle portait là, elle le sentait. Cependant, cette apparence... Par les Esprits ! Quelle était cette mascarade ?! Et dans son dos, l'elfe larmoyait. Que faire ? Elle se mordit les lèvres, et ne répondit pas. Qui était-elle... Cette question, beaucoup se la posaient. Certains avaient-ils seulement la réponse ? Elle avait écouté cette histoire incroyable, elle avait hoché parfois la tête, ressentant à certains instants la détresse à fleur de peau. La chair de poule l'avait parfois traversée. Elle avait levé parfois les yeux au ciel, elle avait aussi regardé les feuilles bercées par le vent, comme cherchant en elles une issue à cette affaire. Rien. Rien, bien sûr...
Elle avait continué à marcher, elle avait suivi ses pas, sans trop savoir où aller. Soigner, elle pouvait essayer, mais comprendre... là... La centaure et sa cavalière parvinrent en haut d'une falaise qui donnait vue sur la mer immense. L'azur s'étendait. Des reflets d'un soleil vibrant l'animaient. Des mèches de leurs cheveux bleus se balançaient au gré du vent frais. Deux petits papillons dorés vinrent virevolter un moment autour d'elles. Ils semblaient jouer, danser, se faire la cour. Un sourire s'esquissa sur les lèvres de la centaure, ses yeux parurent rire.

"C'est un bon présage, des papillons dorés...", murmura-t-elle doucement.

Elle fit descendre l'elfe. Le bruit des vagues était rassurant malgré le vide qui s'ouvrait sous elles. Après un moment passé à plonger son regard dans le paysage, elle tourna légèrement la tête vers la rescapée.

"Je ne peux pas vous... te... v... te répondre... Demosthenia..."

Elle avait du mal à croire qu'elle s'adressait à la même boule de poils, son amie félysse qui paressait sur les arbres centenaires du jardin d'Avalon, et qui en lacérait les écorces de ses griffes.

"Je ne comprends pas non plus...", elle tourna de nouveau son regard vers le bleu, "Tu as gardé tes souvenirs, tu es revenue ici... Il doit y avoir une raison... malgré tout..." Une pause. "Et puis, oui tu n'as plus ta queue... Mais tu n'y as pas tout à fait perdu au change !"

Elle rit un peu, puis s'arrêta brusquement. Peut être était-il mal venu de rire ainsi. Elle était maladroite. Elle tentait de faire sourire celle qui était son amie. Elle ne pouvait pas imaginer ce que cela réprésentait bien sûr, que de changer d'apparence ainsi. Les mots lui manquaient. Elle s'en voulait. Si faible, incapable d'aider celle qui lui tenait à coeur. Embarrassée, elle se tut de nouveau. Ses lèvres à peine entrouvertes laissèrent échapper de nouveau quelques paroles :

"Y aurait-il quelque chose que tu voudrais faire ? Un endroit dans lequel tu voudrais te rendre ?"

Elles se tenaient toutes deux en haut de la falaise, leur chevelure au vent.
La centaure tentait tant bien que mal de comprendre la situation dans la laquelle était son amie. Demos' elle même ne comprenait pas ... surement encore la magie de l'île ...
Ossiria avait réussi à calmer son amie de sa voix douce et apaisée.
Demos' ne parlait pas ... se tenant droite, le visage au vent à respirer la brise, et en bas le vide qui l'avait acceuillie l'espace d'un instant ... instant où elle était devenue quelqu'un d'autre.

"C'est ici Ossi ..."
Elle marqua une pause, comme prise dans ses pensées.
"C'est ici que j'ai fait le pas dans le vide ..." confessa-t-elle à son amie, regardant les vagues se briser sur la falaise en bas, laissant une écume mousseuse derrière leur passage.

"C'est ici que tout à commencé ..." murmura-t-elle comme si elle se parlait à elle-même.

"Je croie que cette île m'a offert une seconde chance Ossi ... et je me doit de la saisir ..."

Un léger sourire effleura les lèvres de la jeune fille.

Après une pause elle reprit :

"Retournons au village Ossi si tu veux bien, je veux pas rester ici ..."