Elenrylia

Seule … elle avait absolument besoin de se retrouver seule … elle ne voulait pas que quelqu’un puisse lire sa tristesse qui pesait dans ses yeux …

Cela faisait maintenant presque toute la journée qu’elle s’était « sauvée » du village, se réfugiant dans un endroit qu’elle connaissait par cœur, la forêt d’Avalon, se moquant éperdument qu’on l’a recherche ou non.
Pour certains ce lieu était source de peur et d’égarement, peur née de légendes et de « on-dit ».
Pour Demos’ il n’en était rien de tout cela. Elle y était dans son élément, connaissant le moindre petit arbuste, les moindres plantes parsemées de ci, de là, le moindre chemin dérobé.

Lasse, elle avait voulu fuir le village qui se dépeuplait de plus en plus. La rage au ventre, elle retenait depuis trop longtemps toute sa tristesse au fond d’elle-même.
Trop de départs …
Trop d’amis qui s’en allait …
Elle ne pouvait plus le supporter.

Déjà le départ de Slévas lui avait fait comme un coup de poignard dans le cœur. Cela faisait plusieurs lunes maintenant qu’il avait quitté la douce île pour rejoindre les rangs d’une cause qui lui tenait à cœur : la guerre qui fera triompher le Bien sur le Mal.
Slévas, le centaure avec qui elle s’était immédiatement liée d’amitié et Edeyne, la douce aimée du centaure. Edeyne qui venait d’annoncer aux avalonnois sont futur départ de l’île pour rejoindre Slévas … Un nouveau coup de poignard pour l’elfette.

C’est donc en pleine tourmente qu’elle se retrouvait dans cette forêt étrange et si envoûtante.
D’un pas lent et nonchalant, elle allait droit devant elle, le regard perdu dans ses pensées, s’enfonçant au plus profond de ces lieux. Et plus elle avançait, plus elle sentait la peine la submerger, plus elle sentait les larmes lui monter au visage et plus elle sentait que ses jambes voulaient se dérober sous elle.
C’en était trop … elle se laissa tomber à genoux … silhouette frêle sur un parterre de feuilles mortes … pleurant toutes les larmes de son corps.
Ici au moins elle pouvait se laisser aller à pleurer en toute intimité. Personne ne viendrai jusqu’ici la chercher.

Pourquoi ?!?!
Mais pourquoi ?!?!
Avalon leur île !!! SON île !!!

Elle avait été attirée par cette île dès le début … attirée comme tous les autres … puis après qu’elle se fut liée d’amitié avec eux ils s’en allaient !!!
Mais qu’était donc cette île ?!?! Ce havre de paix dont tout le monde s’enfuyait ?!?!
L’île n’avait donc pas su les retenir ?!?!
Elle-même n’avait donc pas su les retenir ?!?!

En rage, elle arracha violemment du sol les feuilles mortes qui étaient couchées à terre à pleines mains et les envoya valser de part et d’autre dans un mouvement sauvage et bestial. Le visage rougi par les larmes qui creusaient des sillons sous ses yeux et rougi par la colère qui s’exprimait d’une façon si brutale, Demos’ était dans un état de transe qu’elle n’avait jamais connu jusque là.
Les cheveux dans les yeux, collants aux larmes de son visage, elle se laissa tomber à même le sol, pleurant contre cette terre qui ne savait pas retenir les siens.

« Demosthenia !!! »

Une voix l’appelait … voix extrêmement douce et posée … voix féminine …

« Ne pleure plus Demosthenia !!! »

Demos’ releva la tête et regarda autour d’elle, le visage fatigué d’avoir trop pleuré.
Rien …
Personne …
Rien d’autre que les arbres sans âge de cette vieille forêt.
Rien d’autre que les feuilles mortes ayant terminé leur folle farandole à terre ...
Et elle ... seule avec cette voix.

« Non tu ne me voie pas … tout du moins pas encore. Mais tu es prête maintenant … regarde bien … je suis là … à quelques mètres de toi ! »

Demos’ ne voyait toujours rien. Elle releva le buste, entraînant au passage quelques feuilles, et s’asseya tout en regardant toujours autour d’elle.
Les larmes lui brouillaient les yeux et elle s’empressa de les chasser d’un revers de la main.

« Qui êtes vous ?!?! » demanda l’elfe intriguée.

« Qui je suis ? Je suis née de la magie de cette île et de ta magie aussi. Je suis née au moment où tu es devenue elfe après avoir sauté de cette falaise. »

Très étonnée de la situation, Demos’ se releva péniblement et sonda les alentours, intriguée.

« La magie de cette île ? Mais … je ne comprends pas … »

« Regarde avec ton cœur Demos’ … n’aie crainte je ne te veux aucun mal … au contraire !!! Là … juste en face de toi … »

Perdue … les pensées mélangées … Demos’ regardait bien évidemment là où la voix l’indiquait. Une faible lumière semblait jaillir de nulle part … là … juste en face d’elle.

« Je … mais … »

« Oui voilà tu y arrive !!! Je suis bien là !!! »

Soudainement un éclair aveuglant jaillit de nulle part, obligeant l’elfe à porter les bras à ses yeux tant cela lui faisait mal à la tête. Tête baissée, les bras levés au visage, elle se tenait debout, légèrement courbée à éviter cette lumière.
Puis en une seconde plus rien. Tout était redevenu normal.
Demos’ baissa les bras et regarda à l’endroit d’où venait la voix. Ce qu’elle vit la laissa bouche bée …

Emergeant de nulle part, une superbe licorne se tenait face à l'elfe encore tout ébahie. L'animal semblait baigner dans un faible hâlo de lumière bleutée qui inspirait le calme et la douceur.

"Bonjour Demosthenia."

La voix venait de la direction de la licorne mais celle ci n'avait pas bougé les babines d'une once. Demos' recula d'un pas, hésitante, mais surtout fascinée par la pureté de la bête.

"Je suis Elenrilya.
N'aie pas peur."

La bête fit quelques pas en avant, en direction de l'elfe. Sa démarche était élancée et racée. Elle s'approcha tout près de Demos' et vint approcher sa tête des épaules de la jeune elfe.
Demos' leva le bras vers l'encolure de la bête, puis lui caressa délicatement le flanc. Sa robe était très claire et son poil très doux.
Un sourire vint prendre place aux dernières larmes sur le visage de l'elfe.

"Mon nom, dans le langage des tiens, signifie "Eclat d'étoiles".
Je suis ici pour toi ... je suis tienne."

"Mais ... comment puis-je t'entendre ?" demanda-t-elle chétivement tout en continuant à caresser la bête.

"Nos pensées sont reliées ...
Tout ce que l'une pense, l'autre l'entend automatiquement.

Demos' tournait à présent lentement autour du majestueux animal, main toujours posée sur son poil soyeux, ne voulant pas rompre ce moment magique.

"Je suis unique Demos'.
Je peux prendre l'apparence que tu souhaite ...
Ma robe peut passer du blanc comme au noir en l'espace d'un instant.
La je suis sous l'apparence d'une licorne mais n'en tienne qu'à toi que je devienne une jument."

Le sourire aux lèvres, Demos' sentait une nouvelle force entrer en elle. Ainsi cette magnifique bête était sienne ...

"La magie de l'île ..." chuchota-t-elle tout doucement.